Martin Hubacher dirige avec sa femme Michaela Gabriel le domaine Johanniterkeller à Douanne (Twann). On doit pouvoir reconnaître dans ses vins leur origine du lac de Bienne.
Martin Hubacher, quand avez-vous bu du vin étranger pour la dernière fois ?
C'était le week-end dernier. Il y a des vins étrangers que j'aime beaucoup, surtout les bourgognes. C'est passionnant de voir comment ces vins se révèlent. Grâce à mon expérience, je remarque souvent quelle est la philosophie d'un vigneron.
Vous vous en inspirez pour votre propre travail ?
Exactement, mais sans copier les autres. Nous voulons faire de vrais vins du lac de Bienne. Mais je trouve intéressant de voir les différences au sein d'un même cépage. Mais bien sûr, il s'agit aussi de plaisir ! Ma femme et moi buvons souvent des vins de collègues du monde entier, nous aimons élargir notre horizon.
Comment expliquez-vous à votre clientèle pourquoi elle devrait préférer les vins locaux aux vins étrangers ?
Les vins ont des trajets de transport courts et au domaine Johannitergut, nous pratiquons une production biologique contrôlée. S'ajoute à cela le contact personnel avec le vigneron ou la vigneronne. Ceux qui viennent chez nous n'achètent pas seulement du vin, mais une histoire. Les clients apprennent comment le vin a été produit et quels défis l'année a apportés.
Pourquoi cela vaut-il la peine de dépenser un peu plus d'argent pour du vin suisse ?
Lorsque l'on achète un vin à dix francs au supermarché, on n'a aucune idée de la manière dont il a été produit. Si les gens prennent au sérieux des thèmes comme la durabilité et la biodiversité, ils devraient soutenir la production locale.
Le vin suisse peut-il rivaliser gustativement avec ceux de régions viticoles renommées en Italie ou en France ?
Prenons le Bourgogne : j'affirme que nous sommes de meilleure qualité dans notre segment de prix. Cependant, je pense qu'il ne faut pas faire de telles comparaisons.
Pourquoi ne pas le faire ?
Lors d'une dégustation dans ma cave, un client a dit une fois que chaque vin était bon, mais que s'il le comparait à tel ou tel autre... À un moment donné, j'ai dit : vous êtes venus au lac de Bienne pour découvrir les vins d'ici ! Nous tenons beaucoup à notre propre style de vin. Ici aussi, au bord du lac de Bienne, les vins des différents viticulteurs se distinguent – heureusement ! En ce qui concerne les cépages, nous allons dans une direction similaire.
Pouvez-vous préciser ?
Au lac de Bienne, on cultive désormais une cinquantaine de cépages. Je trouve cela un peu dangereux. Quand j'entends parler de merlot, par exemple, je pense au Tessin. En même temps, j'espère que les gens du Tessin viendront dans la région des Trois-Lacs pour le pinot noir.
Vous préconisez que chaque région mise sur ses spécialités ?
Exactement. Je ne pense pas qu'il soit bon que tout le monde fasse tout. Que les gens fassent une excursion au bord du lac de Bienne s'ils veulent remplir leur cave de pinot noir. L'année suivante, ils iront peut-être au Tessin pour acheter du merlot. C'est aussi la raison pour laquelle je suis un peu sceptique quant aux Piwi (cépages résistants aux champignons) – bien que j'en aie moi-même cultivé récemment.
Pourquoi ?
Chaque année, 10, 15 nouvelles variétés de Piwi arrivent sur le marché. Si nous faisons une nouvelle plantation aujourd'hui, il faut attendre quatre ans avant de pouvoir récolter les premiers raisins. De plus, nous partons du principe que les ceps ont une espérance de vie de 50 à 60 ans. Avec toutes ces nouvelles variétés, nous n'avons donc aucune idée de ce qui en sortira. Et puis, il faut encore faire attention pour une autre raison.
Laquelle ?
La viticulture est une culture séculaire. Chaque région viticole a sa propre histoire. Imaginez qu'en Bourgogne, du jour au lendemain, on doive remplacer partout le pinot noir par du Piwi, plus personne n'irait là-bas ! C'est la même chose pour Bordeaux. Ces régions se sont forgées une réputation pour leurs vins au fil des siècles. Pour moi, la recherche devrait plutôt aller dans le sens de chercher un Pinot Noir résistant au mildiou et capable de s'adapter au changement climatique. Ainsi, nous pouvons conserver notre identité. Si le jour venait où il ferait trop chaud au lac de Bienne pour le Pinot Noir, j’en serais très triste.
Votre cépage préféré est donc sans surprise ...
... le pinot noir. On peut en faire des vins rouges si passionnants et aux multi-facettes. Pour moi, ce cépage est inégalé. Et pourtant, il n'est pas le préféré de tous.
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