Dans la vitiviniculture, les bouteilles génèrent une part importante des émissions de CO2. Avec «Bottle Back», Catherine Cruchon poursuit une approche plus durable.
«Bottle Back» est le premier projet national de vigneronnes et vignerons visant à réintroduire une bouteille de vin lavable commune. L’objectif est de réduire la consommation d’énergie, l'utilisation de matières premières et de l'empreinte carbone dans le secteur viticole. Catherine Cruchon, vigneronne au Domaine Henri Cruchon à Echichens dans le canton de Vaud, est l'une des initiatrices.
Catherine Cruchon, pourquoi avez-vous lancé le projet «Bottle Back» ?
Je souhaite améliorer le bilan CO2 de la filière viticole. La bouteille en verre est l'un des principaux responsables des émissions de CO2 – elle représente 30 à 40 % de l'empreinte écologique d'un domaine viticole suisse. J'étais motivée par le fait qu'on peut changer cela : des études montrent que le bilan CO2 d'une bouteille peut être réduit jusqu'à 85 % grâce à la réutilisation. Le recyclage, bien pratiqué en Suisse, permet une économie sur les matériaux mais pas sur l’énergie. Aujourd'hui, le recyclage ne suffit plus – nous devons passer à la réutilisation.
Y a-t-il des régions viticoles qui vous servent de modèle ?
Il y a plusieurs régions viticoles dans le monde qui tentent d'introduire des bouteilles lavables. Souvent, ce sont des approches plutôt régionales ou individuelles. Nous, en revanche, voulons un système de collecte à l'échelle nationale. Notre objectif est d'unir les vigneronnes et vignerons suisses dans un projet unique.
Comment comptez-vous y parvenir ?
Tout d'abord, les consommateurs doivent pouvoir rendre leurs bouteilles près de chez eux. En Suisse, uniquement 1% des vins sont exportés, les bouteilles restent donc dans le pays. Nos courtes distances de transport – pas plus de 200 km – sont un avantage. De plus, les gens sont déjà habitués à trier leurs déchets : en Suisse, plus de 94 % du verre est recyclé.
Actuellement, quel est votre plus grand défi ?
Pour établir un système de collecte dans toute la Suisse, nous devons convaincre les vigneronnes et vignerons de tous utiliser la même bouteille.
Pour tous les types de vin ?
Oui, les vins blancs, rouges et rosés devraient tous être mis en bouteille dans les mêmes bouteilles. Pour les vins mousseux, je n'oserais pas réutiliser de bouteilles réutilisables. Si elles subissent un minuscule défaut pendant le transport ou le nettoyage, cela pourrait être très dangereux en raison de la pression.
Voyez-vous un problème avec les autres types de vin ?
Il est clair qu'aujourd'hui, il existe des bouteilles plus claires et plus foncées, plus hautes et plus petites. Mais presque tous les vins sont mis en bouteille soit dans des bouteilles de Bordeaux, soit dans des bouteilles de Bourgogne. Notre objectif est de proposer une belle bouteille de chacun de ces deux formats. Elle doit être suffisamment résistante pour ne pas se casser même après 50 lavages. Actuellement, il y a une tendance à la hausse des prix des bouteilles en verre, peut-être sera-t-il un jour difficile d'en obtenir suffisamment. La réutilisation pourrait alors être une solution.
Quels sont les autres défis ?
Introduire un nouveau système de collecte. Pour le recyclage, peu importe si une bouteille se casse. Mais si elle doit être réutilisée en entier, il faut trouver un système garantissant l'intégrité de la bouteille de vin. En Allemagne, il existe de telles machines, mais elles sont compliquées et coûteuses.
Quelles sont les réticences des vigneronnes et vignerons ?
Il s'agit souvent de l'image. Pour qu'une bouteille soit réutilisable, l'étiquette doit être détachable. Cela signifie que le vigneron ne pourra peut-être pas conserver exactement l'étiquette qu'il a aujourd'hui. Dès qu'il faut changer une habitude, cela peut provoquer de l'insécurité. Mais près de 50 vigneronnes et vignerons ont déjà rejoint le projet. J'espère que cela incitera d'autres à vouloir en faire partie. Après tout, nous pouvons également stimuler l'économie locale avec notre projet.
Comment ce projet dynamise-t-il l’économie locale ?
Nous travaillons avec des entreprises suisses à toutes les étapes : les bouteilles de vin sont collectées, lavées, transportées, remplies et consommées en Suisse.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous sommes en train de finaliser les maquettes pour les nouvelles bouteilles. Nous nous efforçons également d'obtenir des financements et cherchons un chef de projet.
Êtes-vous optimiste quant à l'avenir de la réutilisation des bouteilles de vin en Suisse ?
Nous n'avons probablement pas le choix, car la nature nous y contraint. Cependant, je ne veux rien imposer à personne. Je souhaite que le projet soit si bon que les vigneronnes et vignerons aient envie de participer d'eux-mêmes.
Comment ?
En proposant un projet qui soit fonctionnel, qui apporte des solutions aux inquiétudes des vignerons et qui apporte une image positive à nos vins. Si les clients demandent aux vignerons pourquoi ils n'utilisent pas de bouteilles réutilisables, et qu'ils l'entendent quatre fois par jour, ils décideront peut-être d'essayer. Actuellement, ce type de projet semble bien accueilli par le public – cela me rend optimiste !
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